Rapport Cour des Comptes
Retournons le problème à l’envers : Que nous a réellement apporté cette dette publique ?
Lorsqu’on parle de dette publique, la question qui revient toujours est : combien devons-nous ? Pourtant, cette interrogation est incomplète. Il serait plus juste de se demander : À quoi cette dette a-t-elle servi ?
Plutôt que de partir du chiffre vertigineux de 18 558,91 milliards FCFA de dette publique accumulée entre 2019 et 2024, retournons le problème à l’envers. Regardons d’abord les projets réalisés, leur utilité et leurs résultats.
📍 Un long cheminement : Des évaluations ex ante aux dettes contractées
Avant qu’un projet d’infrastructure ou de développement ne voie le jour, il passe par une phase cruciale : l’évaluation ex ante. Ce processus vise à étudier la rentabilité socio-économique, à identifier les besoins de financement et à s’assurer de la viabilité du projet avant de contracter une dette.
Entre 2019 et 2024, plusieurs projets ont été évalués, budgétisés, financés par des emprunts et finalement réalisés ou en cours d’exécution. Mais une fois la boucle bouclée, le rapport de la Cour des Comptes s’est posé une question essentielle : toutes ces dettes étaient-elles justifiées par la qualité des projets financés ?
📌 Les projets qui ont creusé notre dette : Un investissement rentable ou un pari risqué ?
🏗️ Infrastructures : Un réseau modernisé, mais à quel prix ?
1️⃣ Autoroute Dakar – Saint-Louis : Un investissement structurant ?
📍 Coût estimé : 701 milliards FCFA
📍 Créancier : Banque Africaine de Développement (BAD)
📍 Objectif : Fluidifier la circulation, désenclaver le nord du pays et soutenir l’exploitation pétrolière et gazière.
📍 Problème : Un coût très élevé, alors qu’une simple modernisation de la RN2 aurait pu être envisagée.
🔍 Analyse :
• Un projet nécessaire, mais trop cher par rapport aux alternatives possibles.
• Dépassements budgétaires et imprécisions sur l’étude de rentabilité.
• Impact économique incertain, notamment sur le long terme.
2️⃣ Pont de Rosso : Une infrastructure clé pour l’intégration régionale
📍 Coût : 89,9 milliards FCFA
📍 Créancier : BAD
📍 Objectif : Faciliter les échanges commerciaux avec la Mauritanie et fluidifier le transport des marchandises.
📍 Problème : Retards d’exécution, avance de trésorerie mal gérée.
🔍 Analyse :
• Un projet économiquement logique, mais dont l’exécution financière pose problème.
• Dépassement des décaissements, faisant gonfler artificiellement la dette.
⚡ Énergie : Une électrification encore incomplète
3️⃣ Renforcement du Réseau Électrique (SENELEC) : Plus de dettes que de lumière ?
📍 Coût : 141,03 milliards FCFA
📍 Créanciers : BPI France, SFIL, NATIXIS
📍 Objectif : Améliorer l’accès à l’électricité.
📍 Problème : Écarts financiers entre les montants annoncés et les fonds réellement utilisés.
🔍 Analyse :
• Une modernisation du réseau nécessaire, mais des irrégularités comptables sur l’usage des fonds.
• Une part des financements semble opaque.
4️⃣ Centrale Solaire de Kaél : Une belle idée retardée
📍 Coût : 30 milliards FCFA
📍 Créancier : Banque Mondiale
📍 Objectif : Renforcer la production d’énergie renouvelable.
📍 Problème : Retards dans la mise en œuvre.
🔍 Analyse :
• Un projet aligné avec la transition énergétique, mais dont la rentabilité réelle reste à prouver.
🏥 Santé : Un secteur prioritaire, mais mal financé
5️⃣ Hôpital Matlabul Fawzeyni de Touba : Un projet nécessaire mais mal suivi
📍 Coût : 1,25 milliard FCFA
📍 Taux de rentabilité interne (TRI) : 38 %
📍 Problème : Manque de transparence dans la gestion des fonds.
🔍 Analyse :
• Une forte rentabilité théorique, mais une mauvaise gestion des ressources financières.
6️⃣ Construction de 9 Centres de Santé : Plus de dettes, mais quels résultats ?
📍 Coût : 28,12 milliards FCFA
📍 Créanciers : Banque Mondiale et FMI
📍 Problème : Manque de suivi des dépenses et de gestion des équipements.
🔍 Analyse :
• Une dette nécessaire pour renforcer les infrastructures sanitaires, mais sans réelle garantie sur leur fonctionnement à long terme.
📚 Éducation : Former la jeunesse, mais avec quels financements ?
7️⃣ Lycées Techniques de Diourbel et Matam : Des milliards sans suivi sur l’emploi
📍 Coût : 20 milliards FCFA
📍 Créancier : BAD
📍 Problème : Aucune étude sur l’impact en matière d’emploi.
🔍 Analyse :
• Un projet prometteur, mais sans vision claire sur son efficacité.
8️⃣ Infrastructures Universitaires : Un besoin réel, mais un suivi flou
📍 Coût : 25,5 milliards FCFA
📍 Problème : Exécution budgétaire incertaine.
🔍 Analyse :
• Un projet utile, mais dont l’impact réel reste flou.
📌 Une Dette Bancaire Hors de Contrôle : Qui paiera l’addition ?
📍 Encours des crédits bancaires directs (mars 2024) : 2 044,01 milliards FCFA
📍 Prêts non autorisés : 190,05 milliards FCFA en certificats d’obligations
📍 Problème : Absence de traçabilité sur plusieurs emprunts.
🔍 Analyse :
• Un risque financier majeur si l’État ne parvient pas à réguler ces dettes.
• Des prêts qui gonflent artificiellement la capacité de financement, sans bénéfice clair pour la population.
📌 Conclusion : A-t-on bien investi cette dette ?
La dette publique doit être un levier de développement et non une bombe financière. Si plusieurs projets financés étaient nécessaires, d’autres auraient pu être mieux planifiés, mieux budgétisés ou tout simplement évités.
💡 La vraie question n’est donc pas seulement “combien devons-nous ?” mais plutôt : “qu’avons-nous réellement gagné en nous endettant ainsi ?”
Certains projets étaient indispensables, mais leur gestion financière laisse à désirer. À l’inverse, d’autres semblent avoir été mal évalués dès le départ, causant un endettement inutile.
Le Sénégal doit impérativement revoir sa gestion budgétaire et renforcer la transparence des financements. La dette ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen efficace de construire un avenir durable.
Alors, est-ce que ça en valait la peine ?